3.12.10

Carnet de Bord - Belem, Sao Luis, Jericoacoara, le "Gay Trap" et le "6 Reals Place"

Bon et bien finalement je me décide à prendre le temps d'écrire quelque chose. Ça faisait longtemps que je n'avais pas mis le carnet de bord à jour alors je vous dois bien ça.
Mais bon il faut dire que depuis mon départ de Belem je n'ai pas eu trop le temps de me poser, encore moins d'utiliser l'ordinateur, ceci explique cela.

Clôturons tout d'abord le chapitre Belem...
Les derniers jours n'ont pas beaucoup différé des premiers, je n'ai pas fait grand chose, profitant du petit confort de l'apart de Laure et Pierre et avec une pointe de nostalgie pour alibi...
Faits marquant : je suis toujours aussi bon au tarot, le marché du Dimanche place de la République est super sympa, les bières du Bar do Parque sont toujours aussi dégueulasses.
Le groupe d'expatriés français que j'avais intégré était ma foi fort sympathique, à ceci près que la plupart parlait très (trop) souvent de bois, de combien il coute et de combien il rapporte, de ce qu'il est légal ou pas de faire ou de ne pas faire et des choses comme ça...
J'ai rapidement compris une chose, hormis Bruno, le photographe, et Pierre et Laure, tous les français que j'ai rencontré à Belem étaient là pour faire du fric. Et tous arrivaient plus ou moins à en faire de manière plus ou moins légale. Les soirées entourés de ces gens là tournaient bien souvent à la réunion de travail, ça parlait tarifs, rentabilité, délais, nouveaux marchés... Bruno et moi avons souvent commandé d'autres bières dans ces moments là.
Par ailleurs ça ne les empêchait pas d'êtres des gens très sympas même si parfois redondants...

Il faudra aussi se souvenir des parties de foot en salle du Mardi soir, qui m'ont couté l'ongle de mon gros orteil et environ 5 litres de sueur par séance.
La ville en elle même est très sympa, arborée, et la vieille ville vaut assurément le coup d'œil.

Il était donc temps après un mois passé là bas d'accélérer le pas et de descendre vers le sud, avec comme premier point de chute Sao Luis, dite capitale brésilienne du reggae...
Comme introduction, un petit truc écrit dans le bus entre Belem et Sao Luis :

24 Novembre 2010 - Bus pour Sao Luis

Encore une chanson d'écrite. Décidément les transports en commun brésiliens inspirent mes mots... En revanche leurs routes ne facilitent pas la relecture.
Je quitte Belem après un mois passé là bas. Force est de constater que le temps passe toujours aussi vite, et pourtant je n'ai pas foutu grand chose.
Incapable de me réveiller le matin, parce qu'incapable de m'endormir le soir, j'ai retrouvé à Belem cette chose qui me caractérisait tant en France : le refus d'accepter qu'un nouveau jour se lève...
C'est dans ces moments que je me rends compte que ce concept de "date de péremption" comme j'aime souvent le dire, est aussi valable à l'étranger. Cela correspond dans mon cas à dire que je ne sais agir que quand je sais que les jours/heures/minutes me sont comptées.
C'est profondément aberrant mais je vous prierai tout de même de ne pas me jeter de cailloux.
Est-ce de la procrastination élevée au rang de mode de vie ? Une envie profonde de se la couler douce d'une main tout en levant au monde le majeur de l'autre ?
Je ne sais pas mais toujours est-il que le soleil de Belem n'a pas beaucoup vu mon nez.
Ah ça par contre le soir, je ne dis pas non.
Un bar, des bières, des filles... C'est un autre panorama.
En fait, plus rapide : le soir, c'est un autre panorama.
Plus ça va et plus je me sens oiseau de nuit, chasseur rodant au milieu de mes dégénérés semblables, déambulant sous l'effervescence de la pleine lune.
Oui car autant le jour vous êtes forcés de côtoyer des gens de tous horizons et de toute humeur, autant la nuit tout le monde est pareil.
A Belem j'ai vu des avocats renommés flirter avec des putes que je ne toucherais même pas avec un bâton (© Clement Naudy). J'ai vu un ancien photographe de mode fameux immortaliser nos têtes ahuries à 6h du matin à la terrasse du bar le plus craignos de Belem, avec un appareil dont la valeur seule pourrait financer 1 an supplémentaire de voyage...
Si on pourrait penser qu'on peut voir ça en France, on peut assurément dire qu'on ne voit ça que la nuit.
La nuit les gens ne se cachent plus, on les voit tels qu'ils sont. La nuit est synonyme de liberté, c'est pour ça que je m'y sens bien.
J'arrive donc à Sao Luis sur les coups de midi, réveille un taxi qui faisait sa sieste sur le parking et nous voila parti pour ma première auberge de jeunesse.
Le taxi se prend pour Sebastien Loeb, roule sur les trottoirs, tape des freins a main, tout en se marrant et en sifflant après la moindre entité féminine qu'il croise. Un vrai porc quoi.
Je me demande si je vais mourir à ce moment là. J'ai tellement peur de la suite, de me retrouver tout seul, après avoir connu les délires de Macapa et Belem, qu'au final je prends gout à sa conduite. J'attends presque l'accident, une jambe cassée, un traumatisme crânien, et je rentre à la maison, sans me préoccuper d'une excuse...
Mais le type a le don de rouler comme un jacky sans pour autant emboutir quoi que ce soit. Traitre.
J'arrive à l'auberge, presque désespérément vide. Je viens de me taper 12 heures de bus, j'estime qu'une sieste ne peut pas me faire de mal.
A mon réveil je fais la connaissance de Marc, un Irlandais qui voyage avec sa copine, Elsa, française. Rapidement on discute, je lui fais part de mon désir d'aller aux Lençois (parc national de dunes et lagons, normalement magnifique), et me dit que deux personnes de l'auberge en sont rentrés hier en disant qu'il n'y avait d'eau nulle part, et que cela revenait plutôt à visiter un mini Sahara, et que pour le prix de l'expédition ça n'en valait pas la peine.
OK, première nouvelle et premier changement de programme. Il me dit qu'ils ont eux prévu d'aller sur Jericoacoara, une espèce de station balnéaire paumée sur la côte entre Sao Luis et Fortaleza. Je lui propose de me joindre à eux. Pas de problème. Bonne nouvelle.
Le départ est prévu pour le lendemain matin à l'aube. Il faut donc que je profite du temps qu'il reste pour voir à quoi ressemble Sao Luis, et il faut également que je trouve un distributeur HSBC parce qu'il n'y aucune banque à Jeri (le petit nom de Jericoacoara, oui nous sommes déja intimes)
Je m'achète de quoi manger et commence à me balader, la ville est disons assez sale, pas si jolie, au final. L'intéret réside dans les rues vallonnées du centre, pleines de charmes mais sans réelle vie. Je cherche en vain à écouter un peu de Reggae, tout du moins trouver des mecs jouant dans la rue. Mais pour une ville qui s'en dit la capitale, c'est ridicule. A ce moment là Montpellier est la capitale de la musique de rue et les Koundelitch sont les Beattles.
Bref je rentre à l'hôtel super déçu et j'attends l'heure du diner en me disant que la nuit est peut être plus agitée. Mais en fait non.
Je vais m'installer dans un restau à une rue de l'auberge, et je tombe sur un groupe de 4 français, vers la 50aine bien tassée chacun. J'avais croisé deux d'entre eux dans le bus venant de Belem, drole de coïncidence. On discute de tout et de rien, et après quelques caïpirowska je rentre dormir à l'auberge parce que le réveil pour se révéler difficile.
Je vais me coucher et dans mon lit superposé, celui du haut est occupé par un bedonnant chilien. Le mec ronfle, mais même un orchestre de cuivres pourrait pas rivaliser. J'hallucine totalement, je crois que je n'ai JAMAIS entendu ça de toute ma vie. Même mes boulkyès n'y pourront rien changer, il va falloir que je le tue, ou que je renonce à mon sommeil.
Je n'ai pas pu le tuer.
C'est donc après une bonne nuit blanche des familles que nous prenons le bus direction Camocim, une petite ville à 2 heures de route de Jeri. Il n'y a plus de route asphaltée pour continuer après, nous sommes donc forcés de nous arrêter la.
Nous arrivons à 21h, il n'y a plus de pickup pour aller sur Jeri, on va donc devoir passer la nuit là.

25 Novembre 2010, dans le bus pour Camocim

" Parmi d'autres choses, j'ai fait un rêve incroyable dans le bus.
Je voyage avec un couple, une française et un irlandais rencontrés la veille à Sao Luis, voilà pour la mise en place.
Donc dans ce rêve je me réveille en sursaut dans un appartement que je ne connais pas mais très lumineux et très blanc. Je suis dans le salon. Je ne me souviens plus précisément qui est là mais je suis à peu près sur qu'il y avait mon frère et ma sœur.
Bref je leur demande ce que je fais là et ils me répondent : à ton avis ?
Je ne comprends pas. Je leur dis : - Putin mais où sont les autres ? - Quels autres ? - Et ben j'étais avec un irlandais et une française, dans un bus, pourquoi je suis là ?
Ils ne me répondent pas et se contentent de sourire.
Plusieurs hypothèses :
  • j'ai effectivement fait le chemin avec le couple mais c'était dans le passé et ce n'était qu'un souvenir.
  • la française et l'irlandais n'existent pas, pas plus que le bus et j'étais en train de rêver.
  • l'endroit où je suis n'existe pas et je rêve depuis la réalité du bus.
  • je suis mort dans le bus et je suis dans une sorte de paradis
Un grand moment de doute et puis le rêve se transforme en rêve lucide quand je décide de tout casser dans la pièce pour voir si je suis bien en train de rêver ou non.
Je connais le mobilier puisque c'est celui de ma maison. Et puis je vois le piano et je ne peux pas le casser. Je m'installe et commence à jouer pendant qu'autour de moi tout vole en éclats.
En revanche je ne me souviens pas comment le rêve s'arrête, juste de reprendre conscience dans le bus en semi état de choc,
le genre d'état ou vous regardez tout autour de vous à une vitesse folle pour vérifier que tout le monde est bien là et que rien n'a changé.
Je vois ce rêve comme une allégorie. J'ai cassé dans le rêve une partie des éléments matériels qui me rattachaient à mon chez moi, comme pour mieux accepter de l'avoir quitté dans la réalité...
Nous voici donc partis à l'aventure cherchant une pousada pas cher pour passer la nuit dans Camocim City, sa plage, ses cocotiers, et... euh voila.
On rentre dans une première, c'est pas cher, on demande à voir les chambres. La femme ouvre la porte, et la on éclate de rires tous les 3. Pour vous faire un topo il y avait un coton tige usagé sur le lit, une capote (usagée peut être mais on n'a pas cherché à savoir) par terre, un flot de fourmis au mur et on a pas voulu voir plus loin.
Merci au revoir, nous revoilà dans la rue.
La deuxième sera la bonne, ce n'est ni le grand confort, ni le grand luxe, mais à défaut d'être attrayant c'est un minimum propre.
Elsa va se coucher, l'opportunité pour Marc de s'enfiler quelques bières sans provoquer de regards accusateurs. On s'installe donc à une table sur la place à coté et se boit quelques bières histoire de faire plus ample connaissance.
On se marre bien et une fois un peu éméchés on va se coucher.
Le lendemain réveil à 8h, on a entendu dire que le pickup pour Jeri part à 9h30. On va au point de rendez vous, personne. On demande à tous les commerces autour, personne n'a la même version, ni les mêmes idées du prix ou de l'horaire d'arrivée. Bref c'est la merde.
On s'installe sur un banc sous la cagnard, et on commence à attendre. Finalement le pickup arrivera à 11h. Mais ne repartira qu'à 12h30. 
Au final presque 4 heures d'attente sous un soleil de plomb, comme pour mieux commencer le bronzage avant la plage.

La suite par contre vend du rêve. Départ à l'arrière du pickup, on commence par traverser un bras de mer sur un bac, première vue du sable blanc et des planches à voile. 
Après c'est 2h de trajet à longer la plage, avec des paysages de nature vierge à couper le souffle, des mangroves sèches magnifique, et l'arrivée sur Jeri en point d'orgue.
Le couple prend la première pousada, complète pour moi. Je vais donc dans une autre auberge de jeunesse, tenue par le désormais mythique "German guy", Wolfgang de son petit nom.
Là je fais la connaissance de Charlie, un ougandais qui vit à Londres, Jalaina une brésilienne de Sao Paulo, et Roel, un belge de Flandre. Ca se marre bien d'entrée de jeu, l'ambiance a l'air cool, bonne pioche.
J'ai fait presque 40 heures de bus en 3 jours depuis mon départ de Belem, et maintenant je déambule les pieds dans le sable (pas de rue pavée à Jeri, que du sable, partout, le top !) sous un soleil de plomb avec de l'eau turquoise en ligne de mire. Quel changement.
Je décide de ne pas dormir et on va manger tous ensemble. Ensuite, digestion sur la plage, jusqu'au couché de soleil qui ici a la particularité de se coucher "dans la mer". Le spectacle est magnifique.
Une énorme dune surplombe la ville, et vers 17h les gens commencent à y grimper pour admirer le couché de soleil. C'est quelque chose à voir. On dirait l'exode des Juifs depuis l'Egypte, et à tout moment on s'attend à voir un mec barbu planter un bateau dans l'eau pour ouvrir la mer en deux. Mais en fait non.
Après le couché de soleil, tout le monde se presse autour de la roda de copoeira, un grand cercle tracé sur la plage, avec les capoeiristas au milieu. Super spectacle avec les couleurs du Soleil rasant, première fois que je vois de la Capoeira au Brésil, le lieu s'y prête à merveille.
Ensuite rue principale est bordée de stands où des types vous préparent tous les cocktails que vous pouvez imaginer. Le moins cher : la caïpirinha bien sur, seulement 3 Reals le verre (un peu plus d'1€), et inutile dire qu'ils font pas les rapias sur l'alcool. Moi je préfère au final la caïpirowska, ça coute à peine plus cher mais la vodka me manquait, et la nostalgie n'a pas de prix. Comble du luxe, je me permets d'y rajouter du kiwi, pour les vitamines.
Caïrowska : Vodka - 1 citron vert entier coupés en quartiers - une bonne cuiller à soupe de sucre en poudre - glace pilée
Caïpirinha : même chose avec de la Cachaça à la place de la vodka.
Bref on a vite fait d'être sec si on fait pas gaffe, ce qui ne tarde pas à arriver.

On décide de continuer la fête dans une sorte de bar musical à 2 pas de là. On danse, on se marre, l'irlandais envoie des pas de danse venus de l'espace Guiness Powered, Charlie négocie totalement déchiré avec le DJ pour qu'il troc son Lady Gaga contre du bon son rap old school, toujours bon à prendre.
On finit par se poser au bar, va savoir pourquoi un couple de brésiliens décide de nous rincer Roel et moi avec bières à volonté. Très bien, je ne refuse jamais un cadeau.
Je fais une pause clope, le gérant du bar commence à venir me parler en portugais, et me demande grosso modo de venir derrière le bar en me tendant une bière.
Comme dit précédemment je ne refuse jamais un cadeau, j'arrive derrière le bar et le mec commence à gueuler : OK this guy is my boss now.
Ok pour ma première soirée ici je me retrouve donc serveur/barman du bar le plus bondé de la rue. Pas de soucis, appelez moi MacGyver. Au début je ne fais que sortir les bières du frigo, après je commence à servir les bières, après je commence à encaisser les sous, et je finis par apprendre à faire les cocktails... Pendant 1 heure je fais tourner la boutique, les autres sont morts de rire et m'encouragent.
Je bois à l'oeil, puisque le mec me tend les fins de bière de tout le monde, je suis déjà à 8g et la nuit n'est pas finie.
Le type me remercie, et nous propose à Charlie et moi, de le suivre pour aller dans une soirée privée où ça risque de bien bouger. Ok pourquoi pas.
Sauf qu'en premier lieu il doit passer à sa pousada pour faire je ne sais quoi. On arrive donc là bas, et là le constat est officiel, il devait y avoir un panneau "Pousada Gay" à l'entrée que nous n'avons pas vu.
3 mecs sont en train de manger, du genre prototype du gay. Avec Charlie on sent l'embrouille arriver et on trouve rapidement une feinte pour s'esquiver de là. Ce moment restera scellé sous le nom de "Gay Trap" et on devrait bientôt breveter l'expression.
On finit par rentrer à l'auberge, il sort une bouteille de Rhum Cubain, délicieux, et on se boit un petit verre alors que le soleil se lève. 
Une journée dantesque, presque iréelle, je vais me coucher le sourire aux lèvres, pour une fois impatient que le soleil se lève.

Je découvre ensuite ce qui deviendra le légendaire "6 Reals Place" alias un mini resto où j'ai mangé 2 fois par jour pendant 4 jours. Pour 3€50 vous avez une assiette bien remplie de riz, spaghetti, haricots, farofa (farine de manioc, pas mauvais), salade et légumes + une pièce de steak et oignons ou une pièce de poulet. Bref rapport qualité prix imbattable et élue cantine officielle de l'auberge.

Ensuite les jours se suivent et se ressemblent, petit dej le matin, rienfoutage jusqu'au midi, repas du midi, farniente sur la plage jusqu'au coucher de soleil, capoeira, cocktails, repas du soir, cocktails, dodo. Mais que c'est bon...

30 Novembre 2010 - Jeri
"Dernière journée à Jeri. Allongé dans mon hamac, au moins 30 degrés dehors, une légère brise caressant ma peau enfin tannée par le soleil... Cet endroit n'est pas réel, pas plus que les soirées passées ici, pas plus que les gens qui le peuplent. Cet endroit est un paradis perdu qui se défait et se reconstruit chaque jour sous nos yeux rêveurs. On pourrait rester une vie ici sans s'en rendre compte."

J'avais prévu de rester 3 jours là bas, finalement j'y resterai 5 et je n'avais même pas envie de partir... Je n'avais juste plus de cash et pas envie de faire un allez retour pour en avoir de nouveau, il a fallu partir.

20 heures de bus plus tard, me voilà à Praia da Pipa, un autre lieu de plages et de fiestas fortement recommandé par Roel. Dans 2 heures j'irai me poser sur la plage, stylo et carnet en main (j'ai un livre à continuer d'écrire je vous le rappelle) appareil photo dans le sac, je vous en dirai bientôt des nouvelles...

Photos de Belem/Jeri à venir bientôt.

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